Une monnaie originale : les pierres de Yap

A travers les âges, beaucoup d’objets ont été utilisés pour faire office de monnaie : coquillages, plumes, briques de thé compressé, etc. Dans son ouvrage The island of stone money (1910), l’anthropologue américain W.H. Furness, conte l’incroyable histoire des monnaies de pierres utilisées à Yap, Etat-archipel de Micronésie (Pacifique occidental).

Les habitants de Yap utilisent comme intermédiaire pour leurs échanges des pierres percées dans leur centre. Les plus petites font à peine 30 cm et les plus grandes dépassent les quatre mètres et pèsent jusqu’à 7 tonnes.  Les pierres les plus imposantes ne changent pas d’emplacement : par un simple « jeu d’écriture », on y inscrit des marques pour indiquer le changement de propriétaire (genre de monnaie scripturale). Ces monolithes sont faits d’aragonite, qu’on ne trouve d’ailleurs pas sur l’île de Yap, mais à Palau (à 400km au sud-ouest de Yap). L’aragonite ne contient aucun métal précieux. Sa valeur tient-elle alors au labeur des navigateurs ayant ramené les pierres sur l’île au péril de leur vie ? La production de ces pierres s’est arrêtée en 1931, date à laquelle on en trouvait 13000 sur l’île (contre 6000 aujourd’hui).

Fin 19e, les Allemands, nouveaux propriétaires de l’île de Yap, inscrivirent des croix noires sur les pierres car la population refusait de rénover les routes. Les croix ne furent effacées par les représentants du gouvernement allemand qu’après que les Yapais ont eu effectué le travail demandé.

La monnaie est avant tout une affaire de confiance. On parle d’ailleurs de monnaie fiduciaire (du latin fiducia = confiance) pour désigner les pièces et billets de banque, dont la valeur repose sur le fait qu’ils sont acceptés de tous les utilisateurs, et non sur leurs qualités intrinsèques. Encore faut-il qu’un pouvoir politique garantisse le maintien de cette confiance. A Yap, les rois successifs ont légitimé l’utilisation des monnaies de pierre. Une monnaie est toujours une affaire politique et sociale avant d’être une question économique.